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Lettre à Serey #10

Aujourd’hui, je voudrais te parler du propriétaire des mains entre lesquelles je confie ma vie en moyenne toutes les deux heures, celui avec qui je vis coincé dans 5 m carrés depuis 10 jours, celui en qui j’ai tellement confiance que je lui ai laissé la lourde tâche de prévoir l’entièreté de la nourriture à bord, j’aimerais te parler de mon pote François. 👯‍♂️


François, je le connais depuis tout petit. Nos parents étant très copains, nous avons été forcés à nous côtoyer en vacance en Bretagne presque tous les ans pendant toute notre enfance. Oui. J’ai dit forcés, parce qu’à la base, je ne l’aimais pas trop. De l’âge de mon frère, ils ne voulaient jamais jouer avec moi, je n’étais que le petit gros qui piquait tous les gâteaux apéro.


En grandissant, nous avons commencé à nous marrer ensemble, à poursuivre les mêmes passions, et à avoir des potes en commun. Il a un don pour lier des gens qu’il aime ensemble, à créer des expériences communes, et de lui sont nées un grand nombre de mes amitiés fortes.


François, c’est sûrement la personne la plus drôle que je connaisse, et je pense être loin d’être le seul à penser ça. Un humour qui joue autant sur la nouveauté que sur la répétition, qui provoque un fou rire autant qu’il l’entretient, un one-man-show permanent.


François, ce n’est pas vraiment un aventurier. Il est même plutôt casanier, il n’aime pas le froid, la pluie, les plans foireux. On est plutôt sur un amoureux de l’apéro, autant te dire qu’il n’est pas fâché avec les bonnes choses… Et pourtant, il a accepté de venir passer trois semaines dans une machine à laver au milieu de l’Atlantique.


Parce que François, c’est aussi un homme qui s’engage. Qui s’engage pour soi, pour ses rêves, qui s’engage pour ses proches, qui s’engage pour les autres. C’est un engagement véritable, sur lequel il ne revient pas. Il n’a pas peur de donner sa parole, mais il ne la donne pas si elle n’est pas tenable. Je me souviens, lorsque nous commencions à parler du projet de faire une transatlantique à la voile, François me disait : « ce projet, on en parle à personne tant qu’on n’est pas absolument sûrs d’aller au bout ».


François, je l’admire parce qu’il est allé complètement à l’encontre de son caractère et de son confort pour s’engager dans cette aventure, parce qu’il a vu ce qu’elle allait engendrer de bon, de beau, de vrai. ❤️


Notre duo, finalement, est assez bizarre. Nous nous sommes rendu compte tout au long de cette année que nous pensions, nous réagissions, nous raisonnions complètement à l’opposé. Si j’étais tout seul sur ce bateau, j’aurai probablement hissé le grand spi le premier jour et je ne l’aurais jamais affalé. Je serais actuellement à Lisbonne avec un bateau en mille morceaux. François, c’est la raison du bord. S’il était tout seul, il aurait sûrement passé une grande partie de la traversée sous génois, et serait actuellement en train de viser Madère. La richesse d’une amitié, c’est qu’elle a le pouvoir de combiner les talents. À bord, là où j’aimerais pousser les limites en permanence, François m’apprend à prendre en considération la longueur de la course et à ne pas prendre de risques inutiles pour préserver le bateau. La preuve, les rares fois où il s’est fait violence pour me laisser faire mes conneries, sont les mêmes moments où nous avons eu de la casse. Dans l’autre sens, je prends plaisir à le voir dépasser ce qu’il considérait comme ses limites, prendre confiance dans la progression que nous avons faite et que nous continuons de faire ensemble. Le curseur n’est pas forcément évident à placer, cela nous a valu quelques prises de tête, mais in fine, je pense que nous trouvons un bon compromis performance-sécurité (je dis ça alors qu’il y a une heure j’ai profité d’une petite sieste de François pour m’amuser avec le grand spi dans 30 nœuds de vent, me gardant bien de le prévenir de l’apparition du grain qui en était à l’origine. Résultat des courses une poulie de spi nous a lâchée… CQFD). 😬


Quel bonheur d’avoir ces temps privilégiés pour discuter, nous ouvrir, découvrir des choses chez quelqu’un que l’on pensait connaître par cœur. La fatigue révèle les caractères, elle ne nous atteint pas aux mêmes moments, et l’on apprend à écouter l’autre dans ses humeurs, à le soutenir dans ses difficultés, à lui remonter le moral. Le curseur, nous apprenons aussi à le placer en fonction de l’état de l’autre, nous avons de moins en moins besoin de l’exprimer, nous savons où il est raisonnable de le placer.


Cher Serey, je te souhaite du fond du cœur, comme je souhaite à toute personne sur cette terre, d’avoir un copain comme François. Un copain en qui tu peux avoir une confiance sans faille, qui te permettrait d’aller dormir sereinement en le sachant à la barre au milieu de la tempête. Un copain qui te fasse rire autant qu’il t’apprenne à te connaître toi-même. Un copain que tu puisses appeler « ami ».


Ton parrain,

Vianney ⛵️







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