Salut Serey,
Ça y est. Nous avons coupé la ligne, posé le pied à terre, retrouvé nos familles, accueilli nos amis arrivés quelques heures après nous. J’ai le sentiment du devoir accompli.
Je revois cette année de travail, de recherche de sponsors, d’entraînement sans relâche été comme hiver. Cette année à mener une double vie, une vie d’étudiant à Paris et une vie de marin en Bretagne. Je revois ces moments de doute, face à la montagne que représente la préparation d’une telle aventure, les doutes de nos entraineurs face à l’ampleur des progrès nécessaires pour partir avec un niveau correct. Je revois le moments de joie aussi, les moments d’amitié à chaque étape nous rapprochant de notre objectif, le bonheur de naviguer presque au quotidien et de progresser à vitesse grand V. Je revois la joie des équipes d’Enfants du Mékong nous accompagnant dans notre évolution.
Et je revois cette traversée. La première semaine, éprouvante, dans une météo compliquée, des températures encore fraîches, une navigation technique mais stimulante. Un yoyo émotionnel permanent. Départ émouvant, premiers jours compliqués, à l’arrière de la flotte, puis le coup de vent du Cap Finisterre, moment grandiose, où la mer nous a montré toute sa puissance, toute sa beauté. Puis la douche froide, la nouvelle de la mort de Philippe, qui a d’un coup calmé toutes nos ardeurs et nos envies de continuer. Les mots de nos proches nous ont aidé à nous remettre dedans, et quelques jours après, nous avons retrouvé du sens dans notre course et nous avons pu aller de l’avant. Au passage de Madère, joie des retrouvailles avec beaucoup de concurrents, et d’apprendre que nous caressons le podium ! Après quelques jours compliqués à dégringoler le classement, la descente dans des Alizés d’abord mouvementés a pu commencer et nous offrir des moments de plénitude grandioses, le bateau voguant à des vitesses pharamineuses sur plusieurs jours. La dernière semaine fut plus calme, plus chaude aussi, et marquée par notre hâte grandissante d’arriver.
Je revois cette arrivée, la Martinique qui se dessine au loin, le rase-motte avec la côte, la petite surprise de notre spi qui nous lâche à 100m de la dernière pointe, dernière dose d’adrénaline avant de traverser la ligne, avec les encouragements si émouvants de nos familles venus nous accueillir sur l’eau. Accolades silencieuses de nos concurrents arrivés quelques heures avant, où s’échangent avec pudeur le respect et la force des émotions communes vécues pendant 3 semaines.
Quelle joie de pouvoir te raconter toutes ces émotions à travers ces lettres, j’espère qu’elle t’auront permis de vivre cette aventure à mes côtés par procuration. À présent, une page se tourne et la prochaine promet d’être aussi riche : un an au service d’enfants parrainés comme toi aux Philippines. J’ai hâte de te la raconter !
À très bientôt,
Ton parrain, Vianney
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