top of page
Rechercher

Nos premières courses

Ça y est, après une bonne journée de repos, nous pouvons prendre le temps de vous raconter en détail la dizaine de journées et nuits que l’on a passé entre mer et ports mythiques de la course à la voile.


Tout a commencé par la Trinité-Cowes, une course dont le parcours, selon nombre de ses participants, ne démérite pas en complexité et en variété de choix stratégiques. Au programme, un départ de la Trinité-sur-Mer pour contourner la Bretagne en passant par le Raz de Sein et le chenal du Four, deux zones austères traversées par des courants pouvant dépasser les 4 noeuds. S’ensuit une traversée de la Manche en coupant l’autoroute des Cargos, pour enfin slalomer entre les bancs de sable vicieux de la pointe des Needles et traverser la ligne d’arrivée devant la célèbre ville de Cowes, centre névralgique de la régate anglaise situé au nord de l’île de Wight.




Pour nous, cette course représentait un cap dans notre projet : première vraie sortie au large sur plusieurs jours, première nuit en mer pour François, première traversée de la manche… Bref, autant dire que depuis un bon mois nous n’étions pas parfaitement sereins a l’idée de nous y aventurer. Mais bon, vient un moment où il faut bien se lancer !


C’est donc vers 16h, le dimanche 2 juillet, que nous quittons le ponton pour nous positionner sur la ligne de départ, coup de canon prévu à 17h. Vers 16h30, nous hissons notre magnifique grand voile aux couleurs d’Enfants du Mékong et nous apprêtons à faire de même avec le génois lorsque nous nous rendons compte avec stupeur que l’axe du vit-de-mulet (jonction entre la bôme et le mat) était entrain de sortir de son trou, menaçant de faire tomber la bôme ! Après un rapide examen, nous nous rendons compte que l’écrou qui le tenait en place s’était complètement dévissé. Nous affalons aussitôt la grand-voile et tentons de remettre l’axe en place mais rien à faire, la houle n’aidant pas les choses. Dépités mais pas encore prêts à abandonner, nous rentrons hâtivement au port pour régler le problème. Par chance, à peine arrivés au ponton, nous tombons sur Jean-Louis, un préparateur et convoyeur de voiliers qui, en l’affaire d’une quinzaine de minutes nous remet la bôme en place et nous trouve un écrou flambant neuf. Nous remercions notre ange gardien et arrivons finalement à traverser la ligne de départ avec une heure de retard.

Queue de peloton, tremblez, que la remontada soit lancée !





Sur le papier, les conditions météo du début de la course ne jouaient vraiment pas en notre faveur : il fallait remonter au vent jusqu’à la pointe de la Bretagne, une allure dans laquelle notre bateau peine à suivre les autres, notamment à cause de ses voiles fatiguées d’un aller-retour au Cap Vert et de tous nos entraînements. Malgré tout, assez rapidement nous arrivons à rattraper quelques bateaux, certes plus vieux et moins rapides que le nôtre, mais cela nous donne un bon coup de boost au moral.


Arrivés au début de la baie d’Audierne, au petit matin, nous arrivons à portée de vue des premiers concurrents de la même classe que nous. Parmi ces concurrents, le duo de Pierre Claver Martinique, deux jeunes qui, comme nous, se lancent sur la préparation de la Cap Martinique sans trop d’expérience. On n’aurait pu rêver meilleurs adversaires ! La traversée de cette baie s’avère compliquée : peu de vent, et un courant qui nous pousse dans le sens inverse. Alors que tous choisissent de faire la route la plus courte possible, nous tentons le tout pour le tout : abattre, c’est à dire faire plus de route, pour longer la côte et bénéficier de deux effets avantageux : les courants contraires qui apparaissent très proche de la côte et qui nous poussent dans le bon sens, et le vent thermique, un vent dû au différentiel de température entre la terre et la mer qui se met en place par jour de beau temps dans l’après-midi. Et l’option paye ! En fin de journée, après trois bonnes heures de rase-cailloux, nous ressortons devant nos rivaux et au même niveau que trois autres concurrents de la même classe. Que le match (re)commence !



Malgré tous nos efforts, nous n’arrivons pas à arriver assez tôt pour bénéficier des courants favorables dans le Raz de Sein. Au contraire, nous nous retrouvons face à un torrent que le vent toujours très faible ne nous permet pas de traverser. Rien à faire à part sortir l’apéro et attendre que le portail s’ouvre. Après deux petites heures d’attente, alors que nous pensions la traversée encore impossible pendant une bonne heure supplémentaire, nous surprenons nos concurrents s’élancer contre le courant déjà diminuant. Un peu pris de court, nous décidons avec quelques minutes de retard de les suivre. Avec difficulté, sous spi asymétrique, nous arrivons à sortir du Raz alors que les concurrents plus expérimentés sont déjà loin devant. Ça nous apprendra à baisser la garde ! Nous arrivons quand même à dépasser nos amis Pierre Claver, qui n’avaient pas de spi asymétrique…



Nous traversons donc, de nuit et avec plusieurs changements de voile, une mer d’Iroise et un chenal du Four avec peu de vent mais un courant important soulevant une mer assez chaotique. Des conditions dans lesquelles nous dormons peu et mal.


Au matin nous sommes engagés dans la manche, et le vent monte petit à petit. Nos fichiers météo nous annoncent 20 noeuds en vent arrière, des conditions parfaites pour filer à toute vitesse sous spi, sur un seul bord en direct vers Cowes. Mais d’un coup, alors que nous voguions à quasiment 10 noeuds en moyenne, le vent forcit et tourne de plusieurs dizaines de degrés. Pour que le bateau tienne encore le coup, nous devons suivre la direction du vent et attendre que cette claque imprévue passe. Le temps passe, et non seulement la brise ne perd pas de sa puissance, mais en plus elle nous mène droit vers la DST, la zone de convergence du trafic maritime, dans laquelle il nous est formellement interdit de nous aventurer. Pas le choix. Nous devons affaler le spi. Nous ne l’avions jamais fait dans de telles conditions. Nous décidons donc de faire comme d’habitude : récupérer l’écoute, lâcher du bras petit à petit et… Fatale erreur ! Le spi se gonfle complètement sur le côté du bateau et nous perdons complètement le contrôle. En discutant plus tard avec des marins chevronnés, nous apprendrons que dans ces conditions, le bras doit être lâché d’un coup pour que le spi se dévente derrière la grand-voile… C'est comme ça qu'on apprend !



Nous nous retrouvons au milieu des cargos, avec le spi en drapeau, la grand voile et les safrans à contre, le bateau incontrôlable. Le fameux cargo Evergreen, un mastodonte qui avait bloqué il y a quelques années le trafic maritime pendant plusieurs jours en restant échoué dans le canal de Suez, passe à quelques centaines de mètres seulement de nous, autant dire que nous ne faisons pas les malins ! Après environ 20min d’enfer et une épaule déboîtée, une légère accalmie qui dure une dizaine de secondes seulement nous permet d’étouffer le spi et de le ramener sans déchirure, alors que nous étions prêts à le couper et l’abandonner à la baille pour sauver notre peau.


Mais l’effort n’est pas terminé. Encore surtoilés, nous devons réduire davantage la surface des voiles.

Épuisés, nous prenons deux ris sur la grand-voile et décidons de changer le genois pour l’ORC, une voile d’avant plus petite. Mais nous n’avions jamais testé cette voile, et quelle n’est pas notre stupeur lorsque nous découvrons que ses accroches ne sont que de simples « clips », qui n’ont pas l’air du tout résistants ! Nous essayons quand même : nous rentrons le genois, sortons l’ORC (le tout dans 30 noeuds, battus par la houle, et au milieu des cargos), et intuition confirmée, les attaches ne tiennent pas du tout. A peine hissé, tout se décroche et nous n’avons pas d’autre choix que de ressortir le genois. Encore une belle manœuvre et, après deux bonnes heures de bataille, de « mode survie », nous pouvons enfin nous poser, avec deux ris dans la grand voile et un ris dans le genois, bateau maîtrisé.


Pour nous remonter, nous décidons de sortir le gros lot : des salades méditerranéennes au thon en conserve. En deux mots : sec et fade. Salades qui finiront jetées dans l’évier par François deux minutes plus tard (chacun sa manière de gérer son stress :)) lorsque que la nuit tombant, nous nous rendons compte que notre AIS (ce qui nous permet de repérer les autres bateaux et d’être repérés) ne fonctionne plus. Au milieu des cargos, de nuit, cela peut nous mettre en danger. Nous démontons le tableau électrique en veillant à ce qu’aucune gerbe d’eau soulevée par la houle et le vent n’atterrisse dessus, mais aucun signe d’un dysfonctionnement apparent. Finalement, le signal se rétablit une trentaine de minutes plus tard, nous soufflons de soulagement.


La nuit se passe sans encombre particulière, et nous parvenons à maintenir un cap et une vitesse plutôt satisfaisants, qui nous permettent de creuser l’écart avec les poursuivants et même de rattraper un ou deux bateaux.

Au petit matin, alors que nous rasions une pointe rocheuse appelée Anvil Point, le pilote décroche et le bateau fait une embardée de 90 degrés. Après quelques secondes de stupeur, nous nous rendons compte que l’une des barres de liaison fixant les safrans à la barre s’est décrochée, laissant le safran tribord vivre à sa guise, faisant fi des instructions du pilote auto. Mais plus de peur que de mal, nous arrivons à la raccrocher sans avoir à affaler les voiles.



Fini les soucis ! Nous franchissons finalement la ligne d’arrivée à 10h30, après presque trois jours de course, et nous positionnons 48èmes sur les 58 participants. Un score plutôt satisfaisant pour les novices que nous sommes !


Après une escale bien méritée à Cowes, où nous nous amusons à découvrir le portrait du « marin gentleman » anglais et son penchant fêtard que l’on aperçoit au fond des pubs à une heure avancée, nous nous inscrivons en dernière minute, motivés par l’effervescence qui nous entoure, à une deuxième course : la Cowes-Dinard.



Nous partons le jour même, et le spectacle est à couper le souffle : 200 bateaux sous spi avancent serrés dans le chenal du Solent, puis devant le phare des Needles, le tout éclairé par la lumière de la fin d’une journée ensoleillée. Magnifique. La nuit tombe rapidement et nous collons à l’arrière du peloton, sous spi asymétrique avec un vent stable qui nous permet d’enchaîner les milles avec une vitesse moyenne de 7 noeuds. Mais au petit matin, le vent tombe et l’écart se creuse avec les bateaux à l’avant, plus agiles que nous dans le petit temps. Nous nous retrouvons largués, avec plus de 24 heures de pétole annoncées, aux côtés de nos fidèles acolytes de Pierre Claver Martinique. Nous finissons par mettre le moteur pour arriver à terre plus rapidement, nos espoirs de classement évaporés depuis longtemps.



Le convoyage retour vers la Trinité-sur-Mer nous permettra d’accumuler encore des milles d’entraînement. Ça nous prendra deux jours.


Ces presque deux semaines en mer nous auront permis de prendre de l'assurance sur le bateau et de rencontrer un tas de marins chevronnés disposés à nous donner ces petits conseils simples qui décuplent nos compétences. Le programme de l’été est encore long, avec un trajet à peu près deux fois plus étendu : un aller-retour à Lisbonne pour rejoindre les journées mondiales de la jeunesse ! À suivre…




bottom of page